Berger des montagnes de la Castille - Peinture
Titre
Berger des montagnes de la Castille
Titre
Peinture
Auteur
REGNAULT Henri
- NomREGNAULT
- PrénomHenri
- Date de naissance1843
- Lieu de naissanceParis
- Date de décès1871
- Lieu de décèsBuzenval
- Ecole / mouvementFrance
- Notice biographiqueArtiste à la vie et à la carrière fulgurantes, Henri Regnault, frappé par la mort à 27 ans, laisse un œuvre exceptionnel de maturité et de virtuosité. Un an après sa disparition, son premier biographe, Arthur Duparc, affirma qu'il devait être un jour le chef de file de l'Ecole française contemporaine.
Fils du physicien Victor Regnault, directeur de la Manufacture de Sèvre et professeur au Collège de France, Henri Regnault reçoit une éducation des plus raffinées. Grand Prix de Rome en 1866, il manifeste rapidement un profond désir de partir en Espagne. En 1868, il retrouve son ami Clairin à Burgos;Il amorce un périple à travers la péninsule et part pour Tanger en 1869.
Totalement affranchi des scènes historiques et religieuses de ses débuts, l'artiste se permet alors toutes les libertés, tant dans le travail de la matière picturale que dans ses lumières et ses choix de couleurs. Difficilement classable, son œuvre, semblant s'orienter vers la peinture de Decamps n'aura pas eu le temps d'évoluer davantage et confirmer tout ce que son immense talent laissait présager.
De retour en France fin 1870, il s'engage immédiatement dans l'armée et part en guerre contre la Prusse. Il meurt au combat en janvier 1871. 08/2009
A la faveur d'une récente exposition (2), le public français a pu mesurer l'extraordinaire impact que la découverte de l'Espagne et de ses artistes du Siècle d'Or ont pu provoquer à la fin du XXème siècle chez certains peintres français. Figurant en bonne place dans la démonstration de cette exposition, Henri Regnault apparaît sûrement comme une figure emblématique de cette ferveur inédite pour un pays qui n'avait jusqu'alors que modérément intéressé le milieu artistique parisien. Sans vouloir évoquer à nouveau les raisons de cet engouement, il est par contre utile de situer brièvement la carrière d'Henri Regnault (3), particulièrement dans le contexte du concours du Grand Prix de Rome. Lauréat de ce concours en 1866 après plusieurs essais infructueux, Henri Regnault réalise enfin le rêve de tout artiste français de cette époque : rejoindre la Ville Eternelle et séjourner pendant quatre ans à la Villa Médicis. Or, l'attitude du peintre se révèle des plus contradictoires et traduit un espoir rapidement déçu. On y devine un artiste réticent devant l'architecture religieuse romaine (4) et qui se décrit comme " broyé " par Michel-Ange (5). A cela s'ajoute une santé fragilisée par le climat romain et c'est précisément un violent excès de fièvre en juillet 1868 qui lui fournit l'occasion de quitter l'Italie. Simple prétexte ou démarche sincère et en quelque sorte nécessaire, il semble qu'il faille plutôt privilégier la seconde hypothèse car Henri Regnault ne renonce pas et, dès le mois d'août , il est en Espagne . Symbole de la fin du monopole romain dans l'éducation et le perfectionnement des jeunes artistes, le parcours de Regnault a valeur ici de témoignage et d'enseignement. Car, pour les artistes les plus doués, le passage en Espagne devient tout aussi nécessaire que celui en Italie et, dans le cœur de quelques uns, la Castille remplace avantageusement le Latium. De fait, une fois posé le pied sur le sol espagnol, l'enthousiasme de notre artiste ne faiblit pas et sa curiosité se nourrit autant de la découverte des paysages et des types physiques que de la copie des chefs d'œuvre du musée du Prado au sein desquels Velazquez occupe le premier rang (6). Cette double approche reposant notamment sur l'appréhension d'une réalité populaire brutale dans sa misère et sur une admiration sans borne pour la technique de Velazquez fonde les qualités picturales de ce Berger des montagnes de la Castille. En premier lieu, il est évident que tout au long de son séjour en Espagne, Henri Regnault a manifesté le plus vif intérêt pour les types les plus humbles depuis les mendiants (7) jusqu'aux familles de gitans en passant par cette figure de berger qui n'échappe évidemment pas à ce répertoire. Toutefois, nul pathos ne transparaît ici dans cette toile et, c'est surtout la dignité humaine y compris dans son dénuement physique le plus évident que l'artiste s'est attaché à retranscrire. Ainsi, le visage buriné irradie d'une force intérieure qui se signale par son intensité violente. Henri Regnault, on le pressent au travers de cette toile, est fasciné par les attitudes fières voir hautaines que conservent même les populations les plus démunies. Mais, cette approche réaliste se double d'une connaissance aiguë de la peinture de Velazquez. En effet, comment ne pas penser au célèbre Esope du maître espagnol que Regnault connaissait (8) et qui indubitablement suggère la formule de ce portrait en pieds se détachant sur un fond indistinct. Cependant, et c'est le propre de tous les grands artistes, l'influence de Velazquez ne conduit pas au plagiat et Henri Regnault laisse percer ici son génie propre. On ne peut ainsi être que frappé par la virtuosité du coloriste mais peut-être plus encore par les nombreux effets de matière que s'autorise l'artiste. De fait, on reconnaît presque la main d'un sculpteur qui modèle en relief le paysage du fond alors que le peintre reprend ses droits lorsqu'il s'agit de suggérer la texture de l'ample vêtement montagnard par le jeu du grain de la toile. Il faut aussi insister sur la qualité des pigments utilisés qui, sous une feinte monochromie, traduisent un authentique travail de luministe. Enfin, même si cet important tableau reste une étude, on ne peut que remarquer certaines audaces formelles dont la plus évidente s'applique au traitement du chien dont la tête n'est pas même esquissée.En acquérant cette œuvre d'Henri Regnault, le musée des Beaux-Arts de Pau poursuit une politique d'enrichissement qui permet de confirmer l'éclat déjà largement reconnu de ses importantes collections du XIXème siècle.
NOTES
(1)Achat en galerie. Il s'agit d'une huile sur toile (H. 100 x L. 80 cm). Elle porte le cachet H. Regnault en bas à droite et conserve au dos l'étiquette de l'Exposition des Beaux-Arts de 1872 avec le numéro 48.
(2)Il s'agit de l'exposition Manet Vélazquez, la manière espagnole au XIXéme qui a été successivement présentée au Musée d'Orsay à Paris du 16 septembre 2002 au 5 janvier 2003 puis au Metropolitan Museum de New-York du 24 février 2003 au 8 janvier 2003.
(3)Pour de plus amples renseignements, on se reportera à l'excellente monographie publiée par le Musée Municipal de Saint-Cloud : Henri Regnault , Musée Municipal de Saint-Cloud, Saint-Cloud, 1991.
(4)" Les églises m'ennuient ; je vois Saint-Sulpice et Saint-Vincent-de-Paul partout " in Henri Regnault, Correspondance d'Henri Regnault recueillie et annotée par Arthur Duparc, Paris, 1872, p54.
(5)" Je reviens du Vatican. Je me suis prosterné devant les peintures de la chapelle Sixtine et devant les Stanzes. Je suis broyé. Ce géant de Michel-Ange m'a laissé à moitié mort… " opus cité , p 54, 55.
(6)" Je n'ai jamais rien vu de comparable à cet homme-là (Velazquez). Quelle couleur, quel charme, quel aspect nouveau et original, quelle sûreté, d'exécution ! C'est une peinture jeune, bien portante, née sans effort, sans peine, sans fatigue… " opus cité, p 184, 185. Cet engouement n'a rien de passager et Henri Regnault choisit pour son troisième envoi de copier Les Lances. Par ailleurs, le Musée Municipal de Louviers conserve une autre copie d'après Velazquez, L'enfant de Vallecas, composée en collaboration avec le peintre Georges Clairin qui était son compagnon de voyage en Espagne.
(7)" Ces jours-ci, nous avons fait quelques aquarelles d'après des mendiants que nous ramassons dans les rues. La misère est atroce à Madrid ; les rues sont encombrées de mendiants de tout sexe et de tout âge, affligés souvent de difformités horribles "… opus cité, p. 225.
(8)" Jamais je ne me consolerai de ne pas emporter d'ici une copie de de l'Esope, une esquisse de l'Infante en rose, une petite copie des Fileuses. Opus cité, p 229.8052/8000
Peintre
Date de création
1868
- 19e siècle, 3e quart
Domaine
Peinture
Matière et technique
huile sur toile
Mesures
H. : 99,3
- L. : 79,7
- H. avec cadre : 112,8
- L. avec cadre : 95,2
- P. avec cadre : 5,9
Propriétaire
ville de Pau
Acquisition
2003.13.1 achat de la Ville avec l'aide du FRAM Galerie Philippe Heim
Numéro d'inventaire
2003.13.1
Bibliographie
DUPARC (Arthur), Correspondance de Henri Regnault, Paris, Charpentier et Cie, Libraire-Editeurs, 1872, p. 424.
- Duparc 1872, p. 424.
<http://www.latribunedelart.com>, Brèves, 2005.
AMBROISE (Guillaume), «La Manière espagnole d'Henri Regnault», Le Festin, n° 48, Bordeaux, juin 2004.
- Ambroise 2004a
AMBROISE (Guillaume), SEGURA (Patrick), VAZQUEZ (Dominique), Peintures du XIX ème siècle, musée des Beaux-Arts de Pau, Bordeaux, Le Festin, 2007.
- Ambroise Ségura Vazquez 2007, p. 106, repr. p. 107 et p. 162.
Le Festin 2008
«Trésors du musée des Beaux-Arts de Pau, 15 ans d'acquisitions», Le Festin, hors-série, Bordeaux, octobre 2008.
- Le Festin 2008, repr. p. 90.
Exposition
Budapest Varsovie Bucarest, 2004-2005
Facettes
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