José de Ribera, le ténébrisme pénitent

Installé depuis 1616 à Naples, José de Ribera, surnommé l’Espagnolet, devient très rapidement un des artistes les plus influents du royaume.
Ses sujets de prédilections sont des ermites pénitents, des philosophes vus comme des mendiants, des martyres de saints...
Son style, suivant la tendance du Caravagisme, se caractérise par un puissant ténébrisme au service d’une illustration naturaliste de la réalité. Son dessin précis et sa touche compacte témoignent de son goût pour la représentation des chairs et des détails anatomiques.
Entre 1626 et 1651, José de Ribera exécute une douzaine de saint Jérôme. Considéré comme l’un des Pères de l’Église, ce grand érudit à l’ascétisme revendiqué, est également le traducteur de la Bible en latin (la Vulgate) et le conseiller principal du pape Damase Ier.

Dans cette toile datant de 1633, le saint est vêtu du manteau rouge de cardinal, qu’il n’a pourtant jamais été.
Dans sa main droite, une pierre noire symbolise ses vœux de pénitence et de pauvreté, tandis qu’une superposition de livres/manuscrits rappelle sa grande érudition/culture.
Traitée en buste dans un cadrage resserré, la figure du saint hypnotise. Représenté en ermite fourbu, décharné et fripé, Jérôme fixe intensément son regard sur un crâne. Cet objet de méditation transcende autant l’expression faciale du vieillard qu’il incarne la destinée de l’homme et sa finitude. Un avenir funeste qui se rapproche irrémédiablement au regard du traitement des chairs, des volumes du corps et de l’aspect dépouillé de la scène.
L’effet de clair-obscur et le contraste violent généré par la lumière directionnelle contribuent également à donner à celle-ci une dimension profondément dramatique et spectaculaire.

La figure de saint Jérôme est représentée dans l'art occidental dès le début du Moyen Âge, mais elle se multiplie à l’époque moderne. En effet, en réaction au développement du Protestantisme, l'Église catholique conduit à partir de la seconde moitié du XVIe siècle une large réforme qui vise à faire évoluer en profondeur les dogmes, mais aussi la liturgie et les images qui l'accompagnent. Cette période est communément appelée Contre-Réforme.
Les artistes – et plus particulièrement les peintres qui sont étroitement liés depuis la Renaissance à leur principal commanditaire, le Clergé - sont tout désignés pour accompagner ces nouvelles orientations. Si les scènes qu'ils conçoivent doivent conserver un aspect didactique pour toucher le plus grand nombre, elles intègrent désormais une dimension spectaculaire afin d'émouvoir le fidèle et lui permettre de s'identifier plus facilement aux personnages représentés.
Les scènes donnant à voir des saints mélangeant force et intensité se développent car elles encouragent une conduite ascétique, pieuse et exhortent le spectateur à ressentir pleinement le drame du Salut et le Triomphe de la Justice de Dieu. C’est donc dans ce contexte particulier que José de Ribera signe cette figure de saint Jérôme empreinte d’une forte spiritualité enveloppée d’une atmosphère mystique.

José de Ribera, Saint Jérôme, huile sur toile, 1633

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